Déconnecter pour reconnecter : accompagner les adolescents au-delà de l’écran
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Accroche
Dès la vie intra-utérine, la voix humaine nous accompagne. Elle berce, rassure, transmet des nuances et des émotions que les images ne sauraient porter. Saviez-vous qu’un bébé reconnaît les chansons et voix entendues pendant la grossesse ? (The Guardian, 2013). Cette première expérience illustre combien le lien humain, et la voix en particulier, garde un pouvoir irremplaçable. Dans un monde saturé de contenus digitaux, cet ancrage précoce rappelle que les adolescents, malgré leur aisance avec les écrans, continuent de bénéficier d’une attention humaine authentique.
Chaque interaction digitale – publication, like, commentaire – laisse une trace visible, mais il existe aussi une empreinte invisible, inscrite dans le psychisme. Elle influence la perception de soi, les émotions et les relations sociales, et modifie la manière dont le temps est vécu. L’instantanéité des notifications et le flux constant d’informations affectent la concentration, la mémoire de travail et la capacité à imaginer ou planifier sur le long terme (Rosen & Christakis, 2013).
Dans ce contexte, revaloriser le temps long – terminer un roman, marcher, préparer un projet artistique – devient un véritable acte d’ancrage, qui aide l’adolescent à se reconnecter à lui-même et au monde réel.
La voix humaine reste un vecteur unique de lien et de sensibilité. Lire, raconter, écouter activement ou simplement partager un moment calme permet de transmettre la richesse des émotions et la profondeur des relations, rappelant que le monde réel porte des nuances que le numérique ne peut restituer.
Parallèlement, le corps et la sensorialité offrent un ancrage essentiel : le mouvement, la musique, les arts ou la nature permettent de vivre pleinement le présent et de nourrir l’identité. Ces expériences, à la fois simples et puissantes, agissent comme de micro-thérapies quotidiennes, équilibrant les effets de l’exposition digitale et renforçant la résilience émotionnelle.
Les adultes – parents, enseignants, coachs ou mentors – jouent également un rôle crucial en proposant des interactions authentiques et bienveillantes. Ces moments soutiennent le développement de l’empathie, de la confiance en soi et de la capacité à naviguer entre ses émotions et celles des autres.
Instaurer des moments de vivre ensemble sans écran : repas, promenade, lecture à voix haute, ou simplement bouquiner ensemble dans le salon.
Encourager la créativité dans le réel et le temps long : projets artistiques, écriture, bricolage ou toute activité qui demande patience et présence.
Dialogue régulier et bienveillant : questionner l’expérience numérique de l’adolescent sans jugement, mais avec discernement et ouverture, et être prêt à recevoir ses enseignements.
Micro-pauses d’attention : respirations conscientes, marche, étirements pour réguler la concentration et revenir au présent.
Prendre soin des relations dans la famille : moments partagés, soutien mutuel, rituels simples mais réguliers pour renforcer le lien.
Comme le rappelait Virginia Woolf, « le temps est l’espace dans lequel nous habitons nos vies ». Offrir aux adolescents la possibilité de vivre le temps long, d’écouter et de parler, c’est leur permettre de bâtir un espace intérieur solide, qui résiste aux flux incessants du numérique.
Accompagner un adolescent dans son rapport aux écrans ne consiste pas simplement à limiter le temps passé devant un écran. Il s’agit de reconnecter le corps, le souffle et l’esprit, de valoriser le temps long et l’imagination, et de réhabiliter la voix et la présence humaine comme vecteurs essentiels de lien et de sens. Dans ce va-et-vient entre le monde réel et l’espace digital, l’adolescent apprend à se connaître, à réguler ses émotions et à vivre pleinement ses relations, tout en naviguant avec discernement dans l’univers numérique.
Références
Christakis, D.A. & Rosen, L.D., 2013. Media and young minds. Pediatrics, 132(5), pp.958–961. Available at: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3724234/ [Accessed 8 September 2025].
The Guardian, 2013. Babies remember melodies heard in the womb, study finds. Available at: https://www.theguardian.com/science/2013/oct/30/babies-remember-melodies-womb-study [Accessed 8 September 2025].
Woolf, V., 1925. Mrs Dalloway. London: Hogarth Press.
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